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Nils Couturier

J’ai soutenu en février 2020 une thèse à l’Université de Genève, intitulée « La Marseillaise des inconscients : pensée de la communauté dans la poésie de Jules Laforgue ». Ce travail met en évidence la capacité de la poétique laforguienne à représenter et à constituer des liens de type communautaire, en contradiction apparente avec l’idée d’une rupture radicale opérée par l’œuvre du poète, tant sur le plan du rapport entre le langage et le monde que sur celui de l’individu et du collectif. L’humour et la chanson jouent un rôle essentiel dans l’établissement par Laforgue de cette poétique communautaire, j’ai donc été amené à travailler sur l’histoire de la chanson, et sur les rapports formels et axiologiques qu’elle entretient avec la poésie.

Genre bas, souvent associée au rire, la chanson est récupérée dans la deuxième moitié du XIXe siècle par les poètes, qui s’en servent comme d’une arme susceptible de rompre les principes de la versification traditionnelle, et ce jusqu’à l’émergence du vers libre, notamment chez Jules Laforgue. Paradoxalement, la chanson elle-même maintient vivaces, aujourd’hui encore, les principes attachés autrefois à la poésie, notamment ceux de la rime. Notre projet entend donc suivre, de façon croisée, ces évolutions formelles. Les grands chansonniers du XIXe siècle sont d’abord des versificateurs, reconnus comme poètes. Mais leurs liens avec la performance orale de la chanson et la nécessité de sa mise en musique impliquent une considération de la forme qui n’est pas strictement identique à celle que l’on rencontre en régime poétique. Notre travail tente de mettre au jour ces différences, et de mesurer le rôle prépondérant qu’occupe l’humour dans la versification de la chanson.

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