[en] [fr]

Drôle de goût ?
Colloque international sur l’humour et le goût
14-15-16 septembre 2023, Université de Bâle

CFP
Practical information
Programme
Photos
Conférence plénière
Sophie Quirk (University of Kent) :
The Politics of Taste: Challenges for the Comedy Industry

Appel à communications

Les caractérisations de l’humour et de ses diverses variétés donnent lieu à des métaphores sensorielles, et en particulier alimentaires. Une blague peut être savoureuse, crue, salée, aigre-douce, amère, nauséabonde, réchauffée, faisandée, tarte à la crème. Surtout, l’humour peut être de bon ou de mauvais goût ; et cette métaphore commune de l’acceptabilité des productions culturelles change parfois selon que l’on se trouve à l’un ou l’autre bout d’un humour agressif.

Que pouvons-nous comprendre de cette affinité entre l’humour et les métaphores alimentaires ? Est-elle liée au plaisir, ou au réconfort, que nous tirons de l’humour comme de la nourriture ? Faut-il y voir quelque chose de plus essentiel, et est-ce pour nos sociétés une façon de désigner l’humour comme un ingrédient indispensable à la vie humaine ? Humour et nourriture suscitent en nous des réactions comparables, en partie sensorielles ou au moins immédiates, avec le surgissement de souvenirs et de références, avec le risque de susciter le dégoût, et en partie cognitive ou au moins différée, avec parfois un arrière-goût, dégoûtant ou délicieux.

L’humour peut-il être de bon goût sans être ennuyeux ? Doit-il créer un malaise, aborder des sujets tabous ? Où se trouve la limite entre un humour transgressif et un humour nauséabond ? Entre la contestation progressiste et la rhétorique réactionnaire, qui toutes deux revendiquent le droit de rire des sujets qui les occupent ? L’humour est-il à-propos dès lors qu’il correspond aux sensibilités d’un public ? Si l’on réduisait la notion de blague douteuse à la seule théorie de [N+V] de Thomas Veatch, alors une blague raciste servie à un public raciste perdrait son caractère inacceptable face à des destinataires pour lesquels la violation est suffisamment mineure.

Quels sont les critères définissant l’humour de bon ou de mauvais goût, et que faut-il voir derrière cette distinction ? Peut-on séparer le mauvais goût assumé du mauvais goût accidentel ? Les blagues déplacées sont le plus souvent offensantes, mais elles peuvent aussi avoir un autre usage : aborder des thèmes que le bon goût impose de taire car suscitant l’horreur (les viols, les génocides, par exemple) non pour se moquer des victimes mais pour attaquer leurs bourreaux, et renverser le sens du mauvais goût. Le mauvais goût se présente alors comme une force de dénonciation, et le bon goût comme un instrument de maintien du silence des désarmés, une extension de leur oppression. Sur le terrain profondément politique qu’est l’humour, il faut toutefois distinguer le mauvais goût d’un discours nauséabond et le mauvais goût d’un sujet pénible et tabou.

Il y a une parenté entre le bon goût et les normes sociales, et le mauvais goût soulève ainsi des questions de cohésion et d’appartenance. Pratiquer un humour de mauvais goût, est-ce s'exclure du groupe, ou bien le mauvais goût peut-il aussi être paradoxalement fédérateur (autour du "kitsch", par exemple) ? À quel moment la transgression opérée par le mauvais goût devient-elle une nouvelle norme ? Et quel est le lien entre l'émergence de ces nouvelles normes de goût associées à des valeurs éthiques et esthétiques et la construction des identités de classe ?

Filant la métaphore alimentaire jusque dans la cuisine, on peut également se demander s’il existe des recettes pour un humour inratable, amusant pour tous, des écueils certains, garantis de déplaire, dans toutes les langues, cultures et époques ; ou bien si l'humour est si profondément ancré dans un espace géographique, social et temporel qu'il ne permet aucunement un invariant universel ? On peut se demander si le mauvais goût d’une blague ratée est comparable à celui d’un plat raté, si une préparation judicieuse peut anoblir des ingrédients médiocres, et si une pincée de sel en réhausse toujours le goût ; ou encore explorer le développement des productions humoristiques chez les enfants, depuis le mélange maladroit d’ingrédients incompatibles vers des élaborations plus expertes.

Une liste de sujets possibles mais nullement exhaustive pourrait inclure par exemple :

  • bon et mauvais goût comme caractérisations de l’humour
  • variétés d’humour de mauvais goût : kitsch, noir, gore, voyant, grivois, gênant, etc.
  • bon et mauvais goût comme stratégie dans les productions humoristiques
  • goût et normes sociales
  • bon ou mauvais goût des sujets humoristiques
  • bon ou mauvais goût dans le choix des cibles de l’humour
  • métaphores culinaires de l’humour
  • humour fade
  • dégoût
  • le goût du public
  • le développement de l’expertise humoristique chez les enfants
Les propositions envisageant des productions humoristiques de tout art (littérature, musique, cinéma, arts graphiques, architecture, design, mode, publicité, etc.), de toute période et de toute aire linguistique sont les bienvenues. Sont aussi bienvenues les propositions autour de la traductibilité de l’humour, qu’il soit en lien avec des thèmes alimentaires ou qu’il soit d’un goût différent selon les cultures.

Les présentations de 20 minutes pourront être données en anglais (de préférence) ou en français, les échanges qui suivront se dérouleront en anglais.

Les propositions de 300 mots environ, en anglais ou en français, sont à soumettre avant le 1er Juin sur ce formulaire.

Date limite: 1er juin 2023

Organisation:
Anne-Sophie Bories (Université de Bâle), a.bories@unibas.ch
Lara Nugues (Université de Bâle), lara.nugues@unibas.ch
Nils Couturier (Université de Bâle), nils.couturier@unibas.ch

Comité scientifique:
Camille Bloomfield (Université Paris-Cité)
Anne-Sophie Bories (Universität Basel)
Nils Couturier (Universität Basel)
Richard Hibbit (University of Leeds)
Jérôme Laubner (Universität Basel)
Isabelle Marc (Universidad Complutense)
Thomas Messerli (Universität Basel)
Lara Nugues (Universität Basel)
Alain Vaillant (Université Paris Nanterre)
Tony Veale (University College Dublin)

Calendrier:
Date limite de soumission des propositions : 1er juin 2023
Notification du comité : 16 juin 2023
Colloque : 14-15-16 septembre 2023

Image:
Nils Couturier